Disparition forcée de Julia Chuñil - Appel urgent février 2025

 

Depuis le 8 novembre 2024, Julia Chuñil, défenseure de l’environnement chilienne emblématique de la lutte pour la protection des terres indigènes, est portée disparue. Elle a été la cible de menaces répétées de puissants propriétaires fonciers de la région. Ces derniers cherchent à s’approprier les terres que la défenseure et sa communauté protègent avec détermination. L’enquête n’a pas progressé depuis. Le Chili doit assurer à long terme et généralement, la sécurité des défenseurs de l’environnement.

Portrait d' une défenseure du droit de la terre

Julia Chuñil Catricura a 72 ans. Reconnue pour son engagement, elle est une figure de proue de la communauté mapuche de Putreguel, située commune de Máfil, région de Los Ríos, au sud du Chili. Mère de cinq enfants, grandmère de dix, Mme Chuñil est l’une des principales dirigeantes mapuche de Putreguel dont elle préside la communauté, et défend âprement les terres. Malheureusement, cette lutte a engendré des menaces de propriétaires fonciers puissants, voulant lui confisquer quelque 900 hectares revendiqués par la communauté comme son habitat ancestral. L' engagement pour la protection du territoire est profondément enraciné dans l’histoire de la dépossession des terres mapuches, et ses répercussions douloureuses sur la culture et l’identité de ce peuple. 

Une disparition troublante et préoccupante

Julia Chuñil a disparu le 8 novembre 2024 après avoir quitté son domicile avec son chien, pour surveiller le bétail dans un enclos à environ deux kilomètres de là. Depuis, les recherches se révèlent infructueuses. Ses proches n’excluent pas la possibilité d’un acte criminel, car pour son refus de quitter Putreguel, des propriétaires fonciers de la région n'ont eu de cesse la harceler. Soumise à des pressions pour vendre et abandonner ses terres, elle a lutté par exemple en 2018 pour sauvegarder une forêt de Máfil, entraînant des intimidations,-documentées dans une plainte déposée par l’ONG Escazú au parquet régional de Los Ríos-. Plus de deux mois se sont maintenant écoulés sans qu'aucune information ne filtre concernant Mme Chuñil. Cela suggère une disparition forcée. Son cas met en lumière les défis auxquels sont confrontés les leaders mapuches dans un contexte de violence et de mépris, ainsi que l’absence de réponses adéquates de la part du gouvernement. La situation de Julia est emblématique des luttes pour l’autonomie et le respect des droits des peuples autochtones au Chili. 

Les Mapuches : Un peuple résilient

Les Mapuches, qui forment près de 90 % de la population autochtone chilienne, sont souvent désignés comme le «peuple de la terre». Ayant marqué profondément le Chili et l’Argentine, leur culture remonte au Ve siècle. Contrairement à d’autres empires précolombiens, les Mapuches n’avaient pas de structure étatique centralisée, et surent résister aux conquistadors près d’un siècle, notamment lors de la guerre d’Arauco (1546-1641). Cependant, leur souveraineté sera gravement compromise au XIXe siècle, avec des massacres lors de la "pacification» chilienne, qui réduit leur territoire et ses réserves drastiquement. Sous la dictature de Pinochet, leurs terres ont été exploitées par des entreprises forestières, entraînant leur exode vers les villes et l’application de lois répressives. Aujourd’hui, malgré les défis persistants, les Mapuches s’efforcent de préserver leur culture et leur langue, le mapudungún. Cependant, ils demeurent l’un des groupes les plus marginalisés du Chili, leurs droits, leur identité n'étant pas encore pleinement reconnus. Les tensions entre les Mapuches -harcelés tant par les narcotrafiquants que des propriétaires fonciers avides-, et l’État chilien se sont intensifiées ces dernières années, en raison de projets d’exploitation des ressources naturelles sur des terres ancestrales, souvent sans leur consentement. Les autorités chiliennes ont parfois adopté une attitude répressive, utilisant des lois antiterroristes pour criminaliser leurs actions de protestation, conduisant des arrestations et à des violences. Malgré cela, des efforts sont déployés pour promouvoir le dialogue et la réconciliation. Des organisations et acteurs de la société civile sensibilisent le public sur les droits des Mapuches et encouragent des solutions pacifiques. Cependant, la situation reste complexe, nécessitant une attention continue au respect des droits des communautés autochtones au Chili. Le 8 janvier, à Valparaíso, des manifestants réunis en nombre ont scandé «Où est Julia Chuñil"? À Santiago, ils ont appelé à respecter le Traité d’Escazú, pour la protection de l’environnement et les droits des militants en Amérique latine et dans les Caraïbes, ainsi qu’à engager une action concrète pour retrouver Mme Chuñil, et des poursuites judicaires pour les auteurs de l'enlèvement. (ACAT France) 



Articles les plus consultés