Appel urgent janvier 2025

Zayn al Abidin Muhammad Husayn, alias Abu Zubaydah est détenu au pénitencier de Guantánamo depuis deux décennies sans inculpation. Ce 6 janvier l'armée américaine a envoyé 11 détenus de longue date vers Oman, en vertu d'un accord visant leur relocalisation et leur réinstallation. Selon les médias, il resterait moins de 10 détenus au pénitencier qui a ouvert ses portes en 2002 et qui, au pire moment, en comptait plus de six cents. Dès 2012, des résolutions du Parlement européen, désignaient la Pologne comme complice des programmes de la CIA, et Abu Zubaydah comme victime de torture et disparition forcée. Elles enjoignaient aux pays concernés de fournir des réparations et de mener une enquête efficace. Celle-ci sera retardée et entravée pendant des années.

Après sa capture au Pakistan

Intercepté en mars 2002 à Faisalabad, Abu Zubaydah passa aux mains de la CIA, fut détenu et torturé dans plusieurs lieux secrets. Bien qu'emprisonné près de vingt ans, il reste à Guantánamo Bay, sans aucune accusation officiellement formulée contre lui. Selon une estimation établie après sa capture, Zubaydah est le troisième ou le quatrième personnage le plus haut gradé d’Al-Qaïda. Il en aurait géré les camps d'entraînement et y aurait été chargé du contre-espionnage. Toujours selon cette estimation, l’homme- impliqué dans les opérations terroristes (y compris la planification du 11.09) aurait par ailleurs ourdi des attentats contre des intérêts américains. Ces affirmations ont été retenues par l'administration de George W. Bush et d'autres responsables. La «valeur» perçue de Zubaydah comme détenu sera utilisée par le président américain pour justifier des «mesures et techniques d'interrogatoire renforcées", ainsi que des détentions dans les prisons secrètes de la CIA réparties à travers le monde.

Spéculations coupables

Reste que le lien de Zubaydah avec Al-Qaïda est considéré aujourd'hui comme une invention, à commencer par Rebecca Gordon, auteure de The al Qaeda Leader Who Wasn't. En réponse à l'habeas corpus* introduit par Zubaydah, le gouvernement des USA rétorquait qu'il n'affirmait pas que le suspect eût été impliqué dans les attentats, ni même qu'il fût un membre d'Al-Qaïda, mais que c'était la conduite du requérant- plutôt que son appartenance et ses options idéologiques- que sa détention visait essentiellement. La CIA admettait avoir soumis M Zubaydah au waterboarding** au moins 83 fois, en août 2002, en plus d'interrogatoires et de détention aux conditions tout à fait contraires à l'interdiction des traitements inhumains et dégradants : des années d'isolement, de détention, de positions de stress, de coups, d'exposition forcée prolongée à la lumière, au froid, à un bruit excessif, privation de sommeil, menaces, rasage de force, transferts brutaux vers d'autres cellules, accès limité aux aliments.

Des experts indépendants des Nations unies demandent la libération immédiate d’Abu Zubaydah

 «Nous demandons exceptionnellement une grâce présidentielle pour M. Abu Zubaydah, en raison du traitement subi pendant sa détention {et vu ]l'absence de procédure régulière depuis son incarcération ». Ils recommandent sa libération et sa réinstallation dans un pays tiers sûr- attendues depuis longtemps- assorties d'un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres mesures de réparation. Les experts- en accord avec plusieurs mécanismes internationaux et régionaux de défense des droits humains- ont établi que M. Zubaydah a subi de nombreuses violations dans le cadre du programme de de détention au secret. Son état de santé précaire et les blessures résultant de la torture ont été aggravés par le refus de soins médicaux. Également pointés : les obstacles à la communication entre client et avocat. Ceux-ci ont encore accentué les profonds traumatismes psychologiques et physiques qu’il a subis. Rappelant le principe de la responsabilité conjointe quand plusieurs États sont impliqués dans ces violations des droits de l’homme, les experts ont appelé ces États à inciter les États-Unis à libérer Abu Zubaydah. Ils ont aussi exprimé leur inquiétude quant au maintien en détention de 6 personnes à différents stades de la procédure judiciaire et objets de violations permanentes des droits humains à Guantánamo Bay.

*Habeas Corpus : garantie judiciaire des sociétés démocratiques qui détermine si l'arrestation et/ou la détention sont arbitraires et qui par conséquent contrôle le respect du droit à la vie et l'intégrité de la personne privée de liberté, son corps et de ses biens.

** Waterboarding, méthode qui suscite une sensation de noyade imminente.

Lettre du Père Schweitzer d'ACAT Allemagne






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