Disparition forcée du journaliste Habib Marouane Camara et atteintes à la liberté d’expression en Guinée - Appel urgent février 2025
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Un journaliste et des dissidents en danger
3 décembre 2024, banlieue de Conakry, vers 19h00
Habib Marouane Camara, administrateur du site Le Révélateur 224, est enlevé; son véhicule brutalement intercepté; son pare-brise est brisé, des gendarmes armés l'extraient violemment de son véhicule, l'assomment à coups de matraques et l'embarquent vers une destination inconnue. Avant l'enlèvement, M Camara avait exprimé publiquement ses inquiétudes. Sa disparition forcée fait partie d'une série d’ enlèvements récents: ceux d'Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah, de l’ex-secrétaire général du ministère des Mines, Saadou Nimaga. Mais si la disparition de M. Camara est si préoccupante, c'est qu'un tribunal avait déclaré, le 6 décembre 2024, que «cette arrestation a été opérée sans ordres des autorités constituées et hors des cas prévus par la loi». Le procureur annonce diligenter une enquête, puis cesse de communiquer. Depuis, l’épouse du journaliste cherche en vain des informations. Du tribunal, de la police judiciaire et du Haut commandement de la gendarmerie, elle n'obtient pas de réponse satisfaisante. Dans une lettre adressée le 12 décembre au président de la transition Doumbouya, elle exprime sa détresse et celle de ses enfants, avertissant des risques pour la santé de son mari, qui doit prendre des médicaments à heures fixes, probablement impossible en détention.
Répression et atrophie de la liberté de la presse/ Mode opératoire des récentes disparitions forcées
Depuis le coup d’État de septembre 2021, la liberté de la presse s’est dégradée, avec plusieurs médias fermés, des journalistes intimidés. Ceux qui dénoncent la corruption dans le pays, ou critiquent le pouvoir et ses affidés, sont les plus exposés: L'arrivée du colonel – devenu général – Mamadi Doumbouya rime avec une inquiétante vague de disparitions forcées, soulignant la répression et une gouvernance autoritaire, pour instaurer la peur et éliminer toute contestation de la Junte. La fin de la transition négociée avec la CEDEAO en octobre 2022 pour le 31 décembre 2024 a d'ailleurs été reportée. La disparition forcée du journaliste est la cinquième survenant à Conakry en un an. L’une des affaires les plus médiatisées concerne Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah, leaders de la société civile [(FNDC et Tournons la Page], ardents critiques de la junte militaire, enlevés à Conakry le 9 juillet 2024, par des gendarmes et des agents des forces spéciales liés au président de la République. Face à la pression des organisations de la société civile, le procureur de la Cour d’appel de Conakry déclarait mi-juillet qu’aucun organe d’enquête n’a procédé à aucune interpellation ou arrestation de qui que ce soit, ajoutant que MM Sylla et Billo Bah [n'étaient] dans aucune prison du pays, qu’une enquête était néanmoins ouverte. Or, les autorités guinéennes gardent le silence, sauf interrogés par des médias internationaux. Le 25 septembre, à la Deutsche Welle, le 26, à RFI, le Premier ministre Bah Oury déclarait ne pas avoir d’informations précises sur le lieu où se trouvent les deux hommes, mais sommait les instances judiciaires et forces de défense de poursuivre leurs enquêtes, ... lesquelles cependant n’existeraient que sur le papier, comme l’a constaté l’ACAT -France auprès de témoins.
Ces disparitions ne se limitent pas aux figures de l’opposition, elles touchent aussi des acteurs du monde économique et militaire, ayant désapprouvé le régime, ou en porte à faux vis-àvis des autorités. Aucune enquête transparente n’a été menée sur les cinq affaires survenues en 2024. La justice ne pouvant intervenir de manière indépendante et impartiale, c'est la dissimulation des faits qui prévaut, s'agissant des crimes dont la Junte est accusée. L’absence d’informations renforce par ailleurs le climat de terreur et d’incertitude, toute forme d’expression et d’opposition politique est inhibée.
Le crime des disparitions forcées
Les disparitions forcées sont des violations graves des droits humains- droits à la vie, à la liberté et à la sécurité-, souvent doublées de torture ou traitements inhumains. Immanquablement elles dévastent les familles, dans l’angoisse, l’incertitude, une souffrance abyssales, entre espoir de retrouvailles et terreur de ne jamais savoir, sans compter l’impact de la perte d'un soutien pour leur stabilité socio-économique. Le silence de la communauté internationale face à la multiplication des atteintes aux droits humains en Guinée (répression par balles des manifestations, atteintes à la liberté de la presse, etc.) encourage la junte à poursuivre la répression et prolonger la transition politique. Ainsi, la candidature du chef de la junte à la prochaine présidentielle est probable. La peur et l’auto-censure sont palpables au sein de la société civile. Bien que les autorités affirment leur attachement à la liberté d’expression et à l’état de droit, aucune action concrète n’est engagée pour protéger journalistes et citoyens guinéens des arrestations arbitraires et des disparitions forcées. Au contraire, la violence est la méthode confirmée pour étouffer les voix dissidentes, tandis que la machine judiciaire semble impuissante à exercer ses prérogatives et lutter contre les dérives qui fragilisent la stabilité sociale et la légitimité du pouvoir en Guinée. L’ACAT- France a échangé avec des avocats du FNDC, des témoins, proches des victimes, journalistes et défenseurs impliqués. Nul n’a été approché par la justice pour témoigner ou être entendu. Des mois après le début des affaires, les autorités ne communiquent rien sur d'éventuels progrès. On craint que l’enquête ouverte pour Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah n’ait en réalité jamais commencé. À l’instar de Habib Marouane Camara, tous deux sont toujours portés disparus à ce jour!!
Source : ACAT-France.