Disparitions forcées, menaces et climat de terreur en Equateur - Appel urgent mars 2025
Le pays de cocagne devenu enfer est le principal fournisseur de la cocaïne à destination du port d'Anvers. En 2024 le président Noboa déclarait la guerre aux gangs qui prospèrent dans son pays depuis les accords de paix en Colombie. Il s'engageait à y restaurer la sécurité. Pour cela, il misait sur la militarisation. Violations des droits humains et violences policières se sont alors déchaînés. Ainsi la disparition d'au moins 23 hommes, vus pour la dernière fois lors d'opérations militaires [Plan Fénix] dans les provinces de Los Rios, Guayas et Esmeraldas. Souvent, les militaires sont désignés comme auteurs présumés d'exactions, bien documentées par le CDH Guayaquil (Comité Permanente por la Defensa de los Derechos Humanos). Selon l'ONG, le ministère public a longtemps ignoré les allégations de disparitions forcées.
Tournant sécuritaire contre le narco-trafic
Les bandes criminelles se disputent le contrôle de territoires entiers. Parallèlement ces mêmes gangs affrontent les forces de sécurité, tandis que partout pullulent des tueurs à gages. Le littoral est particulièrement touché, si bien que les autorités ont tout misé sur les forces armées, négligeant ainsi tout contrôle civil et le bien-être des habitants.
Les abus et crimes contre le droit international ont flambé depuis l'instauration de l'état d'urgence suite au conflit armé interne (décrets des 8 et 9 janvier 2024, prolongés dans des provinces du littoral). Ces décrets étaient supposés contrer la violence et le narco-trafic omniprésents jusqu'au creux des prisons, comme en témoignent les meurtres, émeutes et évasions de janvier 2024. Un train de mesures, baptisé «Plan Fénix», participe du tournant sécuritaire du président Noboa. Inspiré par celui du président salvadorien Bukele, ce plan se traduit depuis plus d'un an par un déploiement permanent de l'armée dans les rues pour assurer sa mission de sécurité publique.
Seulement, les militaires s'avèrent au moins aussi corrompus que les malfrats qu'ils combattent. En effet, il n'est pas rare qu'ils entravent les activités des entreprises ou qu’ils spolient, par exemple, les mineurs ou les orpailleurs au sud du pays. Devenus monnaie courante, les chantages, menaces et extorsions systématiques restent largement impunis. Des organisations de la société civile dénoncent des abus graves et des crimes au regard du droit international, incluant des cas de torture, d'exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées, commises par des membres des forces armées.
Disparitions de civils
Le 8 décembre 2024, quatre jeunes garçons- Saul, Nestor, Josué et Ismaël- le plus âgé avait 15 ans-, de retour d'un match de foot, ont disparu après avoir rencontré des militaires à Las Malvinas (Guayaquil). Retrouvées le 24 décembre dans une mangrove, les dépouilles portent des traces de torture. L'un des préado est décapité. Aussitôt le parquet a inculpé 16 membres des forces armées pour crime de disparition forcée (31 décembre). Le crime, largement dénoncé par le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme et l’Unicef, a suscité un émoi très profond dans le pays. Ce 26 février le parlement de l’Équateur établissait la responsabilité du ministre de la défense Gian Carlos Loffredo.
Par la suite, vingt-trois familles de victimes se tournent vers CDH Guayaquil, laquelle représente désormais 27 cas de disparus (y compris des fillettes violées, parfois assassinées). Dans un rapport, l'ONG constate de nouvelles disparitions de civils lors d'opérations militaires et pointe l’absence d'enquêtes du ministère public, en dépit des obligations contractées par l’Équateur suite à la ratification de la Convention internationale pour la protection des personnes et contre les disparitions forcées. Jusqu'à récemment aucune opération de recherche de disparus n'a été menée sous la direction de l'État. Le Comité des Nations unies contre les disparitions forcées a adopté des mesures d'urgence, lancé recherches et des mesures de protection pour les familles de victimes. C'est qu'à côté des Principes directeurs des Nations unies, la Convention, qui entérine le droit à la vérité, exige des enquêtes. Il s'agit là d'une obligation continue et immédiate, régie par des protocoles publics et coordonnée par les différentes institutions publiques compétentes -articles 12 et 24(2)-.
Menaces et climat de terreur
Autre illustration du climat de terreur qui règne en Équateur: le harcèlement du défenseur, environnementaliste, Nestor Caicedo. Il s’oppose à la confiscation/déforestation des terres d'une communauté indigène de la province d'Esmeraldas, pour laisser la place à des palmeraies à l'huile -autrement plus lucratives que les droits humains. Il a reçu le 15 janvier de nombreux messages menaçants. Malgré le danger qu'il encourt, il n'a pas bénéficié de la protection de l'État. Des mesures de protection appropriées en concertation avec M. Caicedo et une enquête indépendante sur les menaces s'imposent de toute urgence.
Sources : Deutschland Funk, CDH Guayaquil, Amnesty, Frontline defenders et https://www.youtube.com/watch? v=JtDx4BitrCQ TV Sénat