Le musicien Yahaya Sharif-Aminu emprisonné injustement au Nigéria depuis 5 ans - Appel urgent mars 2025
Bientôt cinq ans que Yahaya Sharif-Aminu est détenu pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression! Le musicien attend la décision de la Cour suprême concernant son appel contre la condamnation à mort d'août 2020, que lui a value une chanson jugée blasphématoire.
Yahaya Sharif-Aminu est accusé de blasphème à l’encontre du prophète Mahomet. En février 2020, il a partagé une chanson sur WhatsApp. Il y disait son admiration pour un chef religieux soufi. La déclaration fut perçue comme une offense à Mahomet par des habitants de Kano, État du nord régi par la charia et le droit civil. Après la diffusion de la chanson, des manifestations ont éclaté, la maison de Yahaya Sharif-Aminu a été incendiée par la foule en colère. Arrêté en mars 2020, il est condamné à mort par pendaison en août 2020 par une cour islamique de Kano. Indignation internationale. En janvier 2021, la Cour d’appel de l’État de Kano annule la condamnation à mort et ordonne un nouveau procès, avec une défense adéquate.
Un cadre juridique complexe
Dans ses Etats septentrionaux le Nigeria connait un système juridique mixte, combinant loi civile laïque et charia. Théoriquement cette dernière ne s’applique qu’aux musulmans. Cependant son interprétation stricte dans certains États conduit à des condamnations sévères, notamment pour des actes perçus comme blasphématoires. La Constitution nigériane, qui proscrit la torture autorise [ article 33(1)] la peine capitale pour certaines infractions pénales. Le Code pénal fondé sur la charia dans douze États du Nord d’une part, le Code criminel en vigueur dans les États du Sud d’autre part encadrent la peine capitale. Cette dernière punit le meurtre, le vol à main armée, la trahison, la conspiration en vue de commettre une trahison dans tout le pays. Dans certaines juridictions du Nord du pays appliquant la charia, la peine de mort punit aussi l’adultère, le viol, la sodomie, l’inceste, la sorcellerie et les offenses liées au Juju. Les méthodes d’exécution sont la pendaison, le peloton d’exécution, la lapidation et l’injection létale. Ces pratiques varient en fonction des juridictions et des lois spécifiques en vigueur dans les différents États.
Pressions et tendances récentes
En mai 2024, des experts indépendants des Nations unies avaient appelé à libérer immédiatement et sans condition Yahaya Sharif-Aminu. En effet sa détention prolongée au motif qu’il sétait exprimé librement constitue une violation des droits humains. En avril 2023 et en février 2025, des résolutions du Parlement européen appellent à sa libération immédiate et à l’abrogation des lois sur le blasphème au Nigeria. Bien que la peine de mort soit légale au Nigéria, son application effective est rare: pendaison de quatre prisonniers en 2013, de trois en 2016 pour meurtre et vol à main armée. Depuis 2016, aucune exécution n'a été rapportée. Le pays continue toutefois de prononcer des peines capitales. En mai 2024, le Sénat a proposé un amendement législatif visant à instaurer la peine capitale au lieu de l’emprisonnement à vie pour les personnes reconnues coupables de trafic de drogue. Assurément, l'initiative reflète une volonté de durcir les sanctions contre le trafic de stupéfiants. Par ailleurs le nombre de condamnés à mort au Nigeria a considérablement augmenté. Si, en 2008, 725 hommes et 11 femmes étaient condamnés à mort, ils étaient plus de 2000 en 2018. Peu à peu, le Nigeria devient le pays subsaharien comptant le plus de condamnés à mort. En 2023, Amnesty signalait au moins 246 nouvelles condamnations à mort et plus de 3000 personnes dans le couloir de la mort.
Les conditions de détention des condamnés à mort sont souvent dénoncées pour leur inhumanité. Dans les prisons la surpopulation est chronique, en raison du recours excessif à la détention provisoire. Les détenus, y compris les condamnés à mort, ont un accès limité aux soins médicaux, une alimentation insuffisante et des installations sanitaires inadéquates. Le débat public et le positionnement des organisations de défense des droits humains sur la peine de mort reflétent les tensions entre les traditions juridiques, les réalités sociopolitiques et les appels d’une partie de la société en faveur de l’abolition de la peine capitale. Les débats portent sur la nécessité de réformes juridiques, la protection des droits fondamentaux et l’adéquation de la peine capitale au contexte nigérian contemporain.
Source : ACAT France
🔎La république fédérale du Nigéria est dirigée par Bola Tinubu . 923 768 km², 229,2 Mio hab. Capitale: Abuja; a ratifié la Convention contre la torture et l’OPCAT. Mais la peine de mort et la torture restent pratiquées.