Détentions arbitraires massives au Salvador

Au Salvador, l’instauration de l’état d’urgence en 2022 a inauguré un cycle d’arrestations, poursuites et détentions arbitraires massives, en plus des disparitions forcées, actes de torture et traitements cruels et dégradants. Conséquence du succès des mesures populistes: les droits humains régressent. Ainsi on signale la mort de190 détenus et des cas de torture, même envers des mineurs. L‘espace civique devient dangereux pour ceux qui luttent pour une société plus juste. Des journalistes s’exilent, s’autocensurent, tant le droit à la liberté d’expression et la presse sont malmenés.

Abus systémiques

La détention récente de Fidel Zavala et de plus de vingt activistes de la communauté La Floresta- sise à San Juan Opico- participe de la répression. C’est que M. Zavala, le porte-parole de l’Unidad de Defensa de Derechos Humanos y Comunitarios (UNIDEHC), a joué un rôle crucial dans la révélation des crimes commis dans les centres pénitentiaires. En 2024, il avait porté plainte contre les autorités carcérales- nommément contre Osiris Luna, directeur général des prisons- pour torture et autres crimes. En février 2022, M. Zavala, alors homme d'affaires, était arrêté pour fraude et passait treize mois en préventive. Le mois suivant, le Président Bukele décrétait le régime d'exception.

Aujourd’hui l‘UNIDEHC défend La Floresta, en butte à des menaces d’expulsion qui pourraient conduire au déplacement de plus de cent familles installées de longue date. Les arrestations récentes des leaders de La Floresta, ainsi que les raids dans ses locaux -et au domicile de sa directrice- constituent une persécution politique, alors que des réformes juridiques lancées en 2022 consolident le modèle sécuritaire répressif. Ce modèle a en effet démantelé le droit à un procès équitable et les garanties d’une procédure régulière. Il a amplifié les atteintes de l’État à la liberté d’expression et d’association, les restrictions aux droits de réunion et d’accès à l’information publique atteignant principalement la société civile, les syndicalistes et les fonctionnaires de justice. Dans ce contexte de suspension des droits, le musèlement des voix critiques se nourrit de l'état d'urgence et nourrit l'état d'urgence.

Crash de l’Etat de droit

Le transfert de Vénézuéliens des États-Unis vers le Salvador, au motif qu’ils appartenaient au gang Tren de Aragua, malgré une décision contraire de la Cour suprême, témoigne du mépris des Etats unis pour leurs obligations internationales et nationales. Il révèle aussi une dérive autoritaire totale. Le gang Tren de Aragua est né en 2014 dans la prison vénézuélienne de Tocorón. Il pratique homicides, enlèvements, trafics de drogue, d’êtres humains, extorsions... et sévit aux États Unis et dans certains pays d’Amérique latine. Non content de s’opposer à la décision de la Cour suprême, D. Trump appelle désormais à la révocation du juge qui l’a prononcée. Surtout, il encourage le programme sécuritaire de M. Bukele. Ce programme atteint le record alarmant de plus de 84 000 placements en détention -souvent arbitraires- et de centaines de signalements d’actes de torture, de disparitions forcées et de morts en détention sous la responsabilité de l’État.

La société civile et les mécanismes régionaux et internationaux de défense des droits humains mettent en garde contre l’approbation par l’Assemblée législative le 12 février dernier de réformes susceptibles d’encourager d‘autres violations des droits humains, y compris à l’égard des mineurs. Les modifications apportées aux lois pénitentiaires sur la délinquance juvénile et contre le crime organisé établissent un traitement carcéral inadapté,en particulier pour les adolescent·e·s. Ces mesures consacrent une répression sans garanties des droits humains. Elles écartent l’approbation obligatoire pour les changements constitutionnels par deux assemblées législatives. Elles suppriment donc tout processus délibératif, toute participation citoyenne. Elles pourraient ouvrir la voie à des réformes qui fragiliseront encore les droits fondamentaux, et ce, à un moment où l’indépendance de la justice et le droit à un procès équitable sont systématiquement battus en brèche. 

Sources : Amnesty; Obs_org




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